La cinéaste Jeanne Herry (Je verrai toujours vos visages) nous parle d’une des plus grandes actrices françaises : sa mère, Miou-Miou.
Miou-Miou. La seule évocation de ce joli nom d’emprunt convoque mille et un souvenirs chez les cinéphiles québécois, qui ont admiré Sylvette Herry (de son vrai nom) dans tant de films mémorables : Les valseuses, Dites-lui que je l’aime, La dérobade, Coup de foudre, Tenue de soirée, La lectrice, Milou en mai, Nettoyage à sec… La liste est longue et l’absence de Miou-Miou de nos écrans, depuis une quinzaine d’années, d’autant plus remarquée.
Sa fille Jeanne Herry vient de lui confier un rôle en or dans un film admirable : Je verrai toujours vos visages, à l’affiche au Québec à compter d’aujourd’hui. Miou-Miou joue Sabine, une septuagénaire ayant recours au programme de justice restauratrice, permettant aux personnes victimes d’actes violents de rencontrer des agresseurs, lors de réunions encadrées et supervisées, afin de surmonter leur traumatisme.
Depuis qu’elle a été agressée sur la rue, quelques années auparavant, Sabine vit claquemurée chez elle, à l’écart de ses enfants et petits-enfants. La partition que Jeanne Herry donne à jouer à Miou-Miou permet à cette dernière de déployer à la fois une force et une vulnérabilité, à travers un personnage qui va passer de l’ombre à la lumière, de façon très émouvante. «Je ne pouvais pas deviner que son personnage toucherait à ce point les gens», m’expliquait Jeanne Herry, rencontrée à Montréal en marge du festival Cinemania, où Je verrai toujours vos visages était projeté. «Les gens s'identifient, voient leur mère. Ils arrivent à comprendre sa solitude, son repli, comment sa vie s'est arrêtée après cette agression.»
Non, pas du tout. J’ai écrit le rôle pour elle. Pour cette fragilité qu’elle possède. J'adore quand elle incarne des personnages timides. Je trouve que ça lui va bien, qu’elle le fait très bien. En plus, elle adore jouer. [...] C'est pour ça que je lui ai confié de beaux et longs monologues. Pour qu’elle puisse s'exprimer comme interprète. C’est une actrice remarquable et juste, dans l'émotion.
Oui, on travaille un peu de la même façon. Je n'aime pas l’improvisation, ça ne m'intéresse pas. Je ne laisse pas aux acteurs le choix des mots, ni même celui de la ponctuation. Je veux qu’ils disent mon texte. Tous les acteurs ne sont pas capables de travailler avec cette précision. Mais ma mère, elle adore ça. Elle déteste quand on lui demande d'improviser, ou qu’on change son texte au dernier moment, comme ça se fait beaucoup maintenant sur les tournages. Elle se prépare en amont, elle mâche, elle remâche, vit avec son texte pendant des semaines.
Je n’ai pas besoin de lui dire grand-chose parce qu’elle arrive avec une proposition très forte et très travaillée. Je peux lui dire deux, trois trucs, mais je la laisse beaucoup faire. Cela dit, je suis très maternante avec les acteurs. J'ai envie qu'ils soient bien, je m'inquiète pour eux. Ça me permet d'être un peu maternante avec ma mère.
Et pourtant, elle travaille beaucoup, surtout pour la télé. Au cinéma, il y a moins de rôles pour les femmes de son âge tandis qu’à une certaine époque elle les décrochait tous.
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