Le réalisateur d’Une affaire de famille, palme d’or à Cannes en 2018, revient avec un film tout en nuances sur l’enfance et l’absence. Monster, qui prend l’affiche vendredi, raconte l’histoire de Minato, un garçon sans père, que sa mère soupçonne d’être maltraité par son enseignant. Rencontre au Festival de Toronto avec le grand cinéaste japonais Hirokazu Kore-eda (Still Walking, Tel père, tel fils).
La figure du père est centrale dans vos films. Et même si dans Monster elle est physiquement absente, on la sent très présente…
Le standard élevé établi par le père du garçon, même absent, exerce sur lui une grande pression. Pareil, l’enseignant n’a pas non plus de père, ce qui le laisse avec le sentiment qu’à lui aussi il manque quelque chose. L’enfant et l’enseignant sont tous les deux confrontés à cette image d’un homme idéalisé, à qui ils ont du mal à se mesurer.
L’enfance est un territoire dangereux, et en même temps un espace de joie; j’aime cette contradiction qu’on retrouve souvent dans vos films.
C’est vrai, c’est un temps de joie et de danger. C’est comme si le monde des adultes infiltrait celui de l’enfance. [...] La société exerce sur les garçons une pression, une exigence de normalité, qui devient écrasante pour eux. Cette attente est verbalisée par la mère de Minato, mais aussi par l’enseignant lui-même lorsqu’il dit: “les garçons ne doivent pas se comporter de cette manière”.
Êtes-vous conscient de ce que vos films nous enseignent sur la société japonaise contemporaine?
Je ne pense pas que vous devriez découvrir le Japon juste à travers mes films (rire). Mais je vais continuer de travailler fort pour être à la hauteur de vos attentes en ce sens. En vérité, je fais des films pour mieux comprendre ma propre société. Si tout le monde en tire le même enseignement, je m’en réjouis.
Depuis quelques années, vous tournez beaucoup, presque un film par année. Qu’est-ce qui vous motive?
J’aime tellement faire des films et j'ai encore tellement de films en moi. Jusqu’ici, je pense n’en avoir fait que la moitié. Autrefois je tournais à peu près tous les trois ans. Puis, il y a dix ans, j’ai eu la chance de trouver un partenaire qui m’aide à faire mes films à un rythme beaucoup plus soutenu. Je suis béni.
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