Quatre ans après la parution du récit de Vanessa Springora racontant sa relation toxique, à l’adolescence, avec l’écrivain quinquagénaire Gabriel Matzneff, Le consentement fait l’objet d’une adaptation au cinéma par une autre Vanessa.
Paris, 2 janvier 2020. Vanessa Springora lâche une bombe. Le consentement (Éd. Grasset), récit autobiographique racontant sa liaison, dès l’âge de 14 ans, avec un écrivain admiré sobrement appelé G., pulvérise le cénacle littéraire parisien. Et fait clouer au pilori, séance tenante, ce G. aussitôt démasqué : Gabriel Matzneff.
Pédophile affirmé, ce dernier avait fait de ses liaisons avec des filles et des garçons la matière première de ses livres, sans que personne ne s’en formalise - à l’exception de Denise “la bombe” Bombardier, lors d’un pow-wow mémorable chez Bernard Pivot en 1990 (montré dans le film).
Dans la foulée du lancement, un film s’est imposé dans la tête d’une de ses lectrices : Vanessa Filho (Gueule d’ange). «Ce projet est né dès la naissance du livre», explique la cinéaste rencontrée en janvier, en compagnie de la comédienne Kim Higelin (Vanessa, dans le film), lors des Rendez-vous d’Unifrance à Paris.
«Pour moi, ce livre devait être transposé à l'image. Il y avait urgence. En ce moment, cette libération de la parole est un combat de tous les jours. Je ne parle pas seulement du combat des femmes. Je parle de toutes ces personnes qui ont subi de tels abus et qui ont vu leur vie enfermée dans le silence et la culpabilité. Je parle de toutes ces personnes qu'on n'a pas entendues, qu'on n'a pas su écouter, qui ont subi ce déni collectif».
Vanessa Filho : J’avais cette conviction qu’un médium tel que le cinéma pouvait permettre à un public encore plus large de connaître cette histoire. Que l'identification à l'image pouvait aussi apporter autre chose. C'est tellement difficile de mettre des mots sur l'emprise. Vanessa Springora le fait remarquablement bien. Mais parfois, les victimes ont beaucoup de mal à mettre des mots sur cette douleur.
Kim Higelin : Ce qui était central dans la construction de mon personnage, c'était sa force d'engagement. Vanessa est engagée dans toutes ses fibres et dans l'intégralité de son corps. L'émoi qu'elle ressent pour Gabriel, au tout début du film, la remplit complètement. Elle ne peut plus s'en passer. En effet, le rôle nécessitait de ma part un engagement qui se devait d'être à la même échelle que le personnage.
VF : Effectivement, Matzneff est dans le film comme une espèce de drogue. Ou un poison, dont elle ne peut pas se passer mais dont elle devra éventuellement s'affranchir. Ou se désintoxiquer, pour rester dans l'analogie.
VF : Parce que je voulais centrer le film sur l'adolescence, sur cet âge charnière de construction et de déconstruction. Dans son livre, Vanessa Springora raconte une histoire qui s’est déroulée dans le passé. Je voulais éliminer ce recul, pour nous ramener au présent des émotions. Je ne pouvais donc pas commencer par la fin. Je me serais retrouvée dans la même grammaire émotionnelle.
KH : Pour contrebalancer la difficulté des scènes et la dureté émotionnelle, on essayait tous de ressentir un peu de légèreté entre les prises. Nous étions au service d’une histoire tellement plus grande que nous, qu’il s’est créé entre nous une forme d'unité et de solidarité. Mais, une fois que Vanessa disait “coupez”, il nous arrivait de se regarder et d’imaginer la difficulté que ça avait dû être de vivre dans la vraie vie la scène qu’on venait de jouer.
Le consentement prend l’affiche au Québec le 23 février.
Photo : Axia Films
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